Air France
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Réaction de l'employeur en cas d'altercation entre salariés
- Par moreau-mediation
- Le 02/11/2018
Une altercation entre des salariés d'une entreprise n'est pas un incident anodin. Hormis le fait qu'elle contribue à déstabiliser le travail de l'équipe, elle peut constituer un accident du travail. En effet, l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Par conséquent, les personnes victimes d'agression ou ayant subi un choc émotionnel au temps et lieu du travail, développant à la suite des faits des pathologies dues au stress post traumatiques, peuvent bénéficier de la prise en charge spécifique aux accidents du travail.
Par la jurisprudence « SNECMA », la Chambre Sociale de la Cour de Cassation avait imposait le 5 mars 2008, que l'employeur qui dans le cadre de son pouvoir de direction mettait en œuvre des mesures ayant pour objet ou pour effet de compromettre la santé ou la sécurité des travailleurs soit systématiquement condamné.
Jusqu'en 2015, l'employeur avait une obligation de résultat. Dès lors qu'il y avait atteinte à la santé d'un salarié, la responsabilité de l'employeur était engagée pour un manquement à l'obligation de sécurité de résultat. C'était là une responsabilité excessive entraînant systématiquement sa responsabilité sauf cas de force majeure. En aucun cas l'employeur ne se voyait encouragé à prendre des mesures de prévention de protection des salariés.
Le 25 novembre 2015, la Cour de Cassation a rendu un arrêt de principe « Air France » par lequel la possibilité pour l'employeur de s'exonérer autrement qu'en faisant appel à la force majeure est entrouverte. Les employeurs ayant pour préoccupations les risques professionnels et ayant mis des moyens de prévention adaptés en place ne peuvent plus être responsables du seul fait de la réalisation du risque.
Dans cet arrêt, un membre du personnel navigant d'Air France fut témoin des attentats du 11 septembre. 5 ans et demi plus tard, il est pris d'une crise de panique en partant rejoindre son bord et mis en arrêt de travail. Il saisit fin 2008, le Conseil de prud'hommes pour pouvoir condamner son employeur à lui payer des dommages intérêts pour manquement à son obligation de sécurité après les attentats. En l'espèce, la Cour d'appel se voyait reprochée de ne pas avoir recherché si la société Air France avait mis en place un suivi psychologique de l'intéressé. La Cour de Cassation avait rendu un attendu de principe : « Mais attendu que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ». L'obligation de sécurité n'est plus une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve des mesures mises en œuvre.
Il ya quelques jours, dans un arrêt du 19 octobre 2018, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation s'est prononcée, de nouveau, sur l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à la suite d'une altercation entre 2 salariés.
Une altercation verbale avait eu lieu, en l'espèce, entre 2 salariés d'une même entreprise. L'entrepreneur avait organisé une réunion en présence des 2 protagonistes pour résoudre leur différend lié à des difficultés de communication. Au cours de cette réunion, un salarié s'est excusé et la société a par la suite organisé des réunions périodiques afin de faciliter l'échange d'information entre services et entre ces 2 salariés.
La Cour de Cassation a considéré la réaction de l'entrepreneur insuffisante : « Mais attendu qu'ayant relevé que bien qu'ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l'un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d'un nouvel incident, la société n'avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l'altercation et des réunions périodiques de travail concernant l'ensemble des salariés, qu'elle n'avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir risques, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et a légalement justifié sa décision ».
Ainsi, cet arrêt a remis en lumière l'importance des mesures que l'employeur doit mettre en œuvre pour ne pas voir sa responsabilité engagée et pour se faire, les médiateurs sont là pour aider les employeurs !